En ce moment, je peux facilement imaginer vos yeux grands ouverts, la bouche béante, le menton pendouillant dans le vide, ce dernier atteignant presque votre poitrine à vous demander; « Mais de quoi parle-t-il au juste? Resident Evil n’est pas disparu puisque nous avons eu droit à un 6e volet de la série et à la réédition de Resident Evil : Revelations voilà quelques mois ».

Et vous avez en partie raison. Par contre, je dis bien que vous avez « en partie » raison. Car pour le commun des mortels et les plus jeunes qui n’ont découvert la franchise qu’avec Resident Evil 4 sur Nintendo GameCube en 2005 ou avec une des rééditions subséquentes sur PS2 et Wii en 2007, ou encore celles en haute définition sur PS3, Xbox 360 en 2011, il va de soit qu’ils ne voient pas du tout où je veux en venir. Mais pour les plus vieux et puristes de la série comme moi, il est fort possible que vous compreniez très bien la réflexion que je m’apprête à vous exprimer.

Lors de sa sortie en 2001, le premier volet de la série Resident Evil arrivait sur une console toute jeune, la PlayStation (rebaptisée PS One plus tard), sur laquelle beaucoup de compagnies telles que Capcom, Square, Konami et bien d’autres, eurent beaucoup de latitude afin de créer de nouvelles propriétés intellectuelles qui donnèrent place à plusieurs titres audacieux. Avec le succès incroyable de la PlayStation (plus de 100 millions d’unités vendues dans le monde), il va de soit que certaines nouvelles franchises furent concrètement concédées comme faisant partie des classiques pour leur incroyable qualité (selon la technologie et les normes du temps).

Resident Evil PS1

Resident Evil venait, entre autres, mettre la table officiellement pour un style de jeu qui porte depuis le qualificatif de « Survival Horror » (horreur et survie). Ce style de jeu qui s’est répété par la suite dans plusieurs franchises telles que Dino Crisis, Alone in the Dark, Dead Space et bien d’autres. Fait à noter, RE ne fut pas la première franchise à explorer cette avenue puisque le titre officiel de précurseur en terme de jeu de survie/horreur revient de droit à Alone in the Dark, qui fut le tout premier jeu du genre à paraître sur PC en 1992, puis porté sur Mac OS et 3DO en 1993 et 1994 respectivement.

Alone in the Dark demeura sommes toutes assez marginal malgré de très bonnes ventes et des suites régulières sur presque toutes les plateformes, mais fut incapable de s’établir en tant que « leader » indétrônable du genre. Le titre allait revenir à la franchise montante Resident Evil. Les raisons du succès de RE versus son rival Alone in the Dark sont assez difficiles à expliquer si ce n’est que la série RE su miser et exploiter à bon escient la thématique « zombie » qui a toujours été une thématique mystique et appréciée du public en général, et ce, dans toutes ses formes.

Que ce soit pour des jeux vidéo, pour des séries télévisées ou pour les adaptations au grand écran, les zombies semblent toujours avoir fait l’objet d’une fascination sans bornes de la part des gens, fascination difficile à expliquer avec certitude si ce n’est que de peut-être reposer sur une certaine forme de sentiment intrinsèque qui fait partie de l’être humain face à la mort. Il est aussi fort probable que nous ayons une facilité à nous identifier au phénomène qui soulève une certaine forme de craintes quant aux probabilités possibles des conséquences de l’utilisation d’armes bactériologiques.

Et c’est peut-être ici ce qui à fait le succès incontestable de la franchise RE. Le gameplay du jeu original paru en 2001, n’était pas particulièrement des plus précises et familière en termes de mécanique, mais créait une formule de jeu qui venait ajouter au stress ressenti par l’ensemble des ses éléments lorsqu’on y jouait. Et malgré le fait de souffrir de certaines petites imperfections, RE réussissait vraiment à nous donner la chair de poule et à faire en sorte que nous avions presque peur de faire trois pas de suite dans l’écran. Les zombies et autres créatures étaient généralement assez lents, mais le jeu ne nous donnait pas beaucoup place à l’erreur et un affrontement avec une de ses créatures pouvait très bien se retrouver fatal. La gestion de la santé de notre personnage était très prenante et soulevait souvent beaucoup de questions, de réflexions stratégiques et de peur d’avancer encore plus loin tellement elle tenait qu’a un mince et fragile fil.

Resident Evil 1

De plus, les espaces d’inventaires nous forçaient à bien gérer nos items, car le manque d’espace pouvait devenir facilement problématique pour la suite des choses. Et parce que certains items devenaient « obligatoirement » indispensables afin d’accéder à un endroit ou un autre, le tout devenait facilement terrorisant. Et pourtant, rien n’était vraiment compliqué, mais l’emplacement des items en rapport avec les endroits où ils nous serviraient plus tard était si bien calculé, que l’aspect stratégique du jeu se transformait en gestion de stress psychologique. Et pour venir relever l’élément de stress et de survie, le jeu ne nous donnait pas souvent accès à des munitions pour nos armes, ce qui venait encore une fois augmenter le sentiment de peur de manquer de ressources afin de pouvoir avancer. Car déjà que les munitions et les plantes régénératrices se faisaient rares, il fallait quand même réussir à viser efficacement les ennemis afin de ne pas dépenser de balles pour rien et de les conserver pour d’autres rencontres avec ces derniers.

Visuellement, la franchise Resident Evil arrivait aussi avec quelque chose qui n’avait pratiquement jamais été vu auparavant sur consoles de jeu. Les personnages, ennemis ainsi que certains éléments interactifs se présentaient sous forme 3D, le tout évoluant dans un environnement prérendu en toile de fond. Pour la technologie du temps, ce procédé était tout à fait remarquable et permettait d’avoir une qualité graphique de beaucoup supérieure aux jeux entièrement construits et opérés par un moteur 3D. Étant donné que les scènes et/ou environnements ne présentaient pas ou peu de mouvement dans ceux-ci, cela permettait d’arriver avec un visuel de fond qui s’apparentait à une image photo, mais rendu par ordinateur. Pour permettre l’évolution et le déplacement des personnages dans ces environnements, les plans de caméra changeaient selon où nous nous trouvions, donnant très souvent des angles de caméra suggestifs qui venaient eux aussi fournir leur lot d’appréhension de ce qui serait ou était à venir. Souvent, seulement l’axe de vision proposé et quelques sons suggestifs pouvaient à eux seuls nous enlever le goût de faire un pas de plus dans l’écran de jeu, provoquant encore une fois une multitude de questions dans notre tête par rapport à ce qui nous attendait au détour de tel ou tel mur ou derrière telle ou telle porte.

Tout était savamment calculé afin de retirer le plus de terreur possible de notre subconscient et c’est une formule gagnante qui fit en sorte que Capcom devint maitre du genre en peu de temps. L’apogée de la première vague de la franchise arriva avec le deuxième opus, Resident Evil 2 en 1998 et fut suivie du troisième volet, Resident Evil 3 : Nemesis en 1999. Utilisant toujours les mêmes mécaniques de jeu, un quatrième épisode fit son entrée initiale sur Sega Dreamcast en 2000 sous le nom Resident Evil : Code Veronica, qui était le premier de la franchise à apparaître sous la technologie que l’on qualifiait de « 128-bits » pour le temps et qui fut ensuite porté sur PS2 en 2001 et sur GameCube en 2003.

En 2002, Nintendo signe une entente d’exclusivité avec Capcom, ce dernier lui promettant cinq nouveaux titres exclusifs à la console GameCube au grand désarroi des fans de la série qui avaient toujours été présents depuis les débuts de celle-ci, se sentant même trahis par Capcom de ne plus leur donner de nouveaux volets de la franchise sur plateforme Sony. Nintendo, qui voulait changer la perception des gamers envers sa console, se vit alors gracié d’une version complètement refaite et retravaillée de Resident Evil 1 au début de l’année 2002 ainsi qu’un tout nouveau chapitre de la série qui se voulait un préambule à RE1 et qui se nommait Resident Evil Zero, sorti en fin 2002. Il faut dire que ces deux titres étaient absolument incroyables, gardant l’essence de l’univers RE ainsi que ses mécaniques de jeu en plus de nous donner le tout dans le même type visuel qui avait fait la renommée de la franchise, mais ajoutant certains éléments de plus et une beauté incomparable à son rendu graphique grâce à la plus grande puissance de la console.

Malheureusement, les ventes de ces derniers ne lèvent pas autant que Nintendo et Capcom l’auraient souhaité, ce qui vint donner à Capcom l’idée d’essayer de nouvelles avenues en changeant le type de gameplay afin de pouvoir se substituer à l’entente d’exclusivité avec Nintendo. C’est alors que Capcom nous proposa les très mauvais RE : Survivor 1, sur PS1 et 2 sur PS2, qui se voulaient être des jeux de tir la première personne ainsi que les volets RE : Outbreak qui essayèrent d’intégrer un certain mode de jeu multijoueurs en ligne sur PS2 en 2003, le tout de manière très décevante. L’éditeur repartit donc à sa table à dessin et nous revint 3 ans plus tard, en 2005, avec ce qui sera reconnu comme étant le titre le plus acclamé de la franchise à ce jour; Resident Evil 4, encore une fois exclusif à Nintendo, qui s’est écoulé à plus de 5.3 millions de copies.

Resident Evil 4 Gamecube

Resident Evil 4 et son succès incontestable sur toute la ligne reposait sur plusieurs choses qui étaient toutes différentes de ce qui avait fait le succès de la série depuis ses débuts, mais allait malheureusement mettre la barre probablement trop haute pour les titres qui allaient suivre. RE4 était parfait en tout point, surtout pour un nouveau volet du jeu qui repartait fraîchement sur de toutes nouvelles mécaniques de jeu, laissant derrière les plans de caméra suggestifs et les lents zombies pour passer à une vue à l’épaule, dans de superbes environnements complètement rendus en 3D, mais truffés d’ennemis plus intelligents et rapides provoquant du coup, un changement dans le style de jeu qui se retrouve par conséquent être maintenant plus axé du côté action que du côté « survie ».

Si la série s’était basée sur le succès de RE4 pour les autres titres à suivre, je n’aurais absolument rien eu contre et même que j’aurais trouvé la suite des choses beaucoup plus intéressante et je l’aurais même acclamée. Mais le problème se situe ici dans le fait de vouloir travestir cette franchise pour essayer de faire plaisir à un plus grand auditoire, ce qui n’est pas un mauvais effort en soit, mais laisse malheureusement des séquelles au niveau de l’adaptation du gameplay et de la manière de pouvoir raconter et livrer l’histoire. Resident Evil était avant tout un jeu de suspense et d’horreur où chaque pas était stressant et où chaque changement de plan de caméra pouvait nous laisser en questionnement à chaque fois. Capcom à bien fait de vouloir transposer ceci dans une nouvelle méthode de jeu, mais n’arrive plus à redonner se sentiment de stress macabre dans les derniers titres tels que RE5 et RE6.

Nous avons maintenant des ennemis au look qui n’en cesse de devenir plus absurde les uns que les autres, de taille de plus en plus démesurés, avec des capacités de moins en moins sensées, le tout dans une histoire qui n’en termine plus d’essayer de se renouveler en y échouant lamentablement. La corporation Umbrella était jadis une entité qui nous donnait froid dans le dos et qui maintenant est plus une risée qu’autre chose, perdue au travers un scénario décousu qui a complètement oublié ses bases et fondements d’origine. Le sentiment que l’on retire en jouant à Resident Evil 5 par exemple n’a plus rien à voir avec le type de peur que provoquaient chez nous les premiers jeux de la série. Maintenant, tout repose sur le stress-adrénaline d’un format plus axé sur l’action rapide et les nombreux ennemis à l’écran, ce qui vient faire contraste avec les originaux où un seul lent zombie pouvait très bien nous faire hésiter plusieurs minutes avant de nous décider à essayer de passer devant lui en douce ou de tenter une attaque sur celui-ci.

Resident Evil 5

Alors au bout du compte, c’est un peu ici et dans ces propos que repose ma réflexion de compter la franchise Resident Evil parmi les grandes disparues parce qu’à ce jour, à part peut-être Revelations, aucun nouveau volet ne m’a permis de revivre ce bon vieux sentiment de terreur qui prenait place aussi facilement et aussi efficacement au début de la série.

Au niveau statistique, il est vrai que RE5 a fait bonne figure en termes de ventes, approchant les 6.5 millions de copies, ce qui dépasse légèrement les 6.4 millions de copies pour le tout premier Resident Evil. Mais nous devons quand même quantifier les choses et regarder ces chiffres de façon plus représentative, car RE5 paru sur plusieurs consoles alors que RE paru seulement SUR la PS One, mais devint disponible sur PSN pour PS3, PSP et PS Vita voilà quelques années seulement. Alors toutes proportions gardées, RE demeure encore à ce jour le titre le plus vendu de la série.

En conclusion, souhaitons que Capcom puisse un jour revenir un peu plus aux sources afin de redonner à Resident Evil son titre de maitre suprême du jeu de survie et d’horreur afin de démontrer aux nouveaux joueurs une toute nouvelle ancienne facette de sa personnalité et de son efficacité à nous foutre la trouille! Dans un monde idéal, une mixture de l’ambiance de Resident Evil et des mécaniques de jeu de Resident Evil 4 ferait un cocktail puissant s’il est bien balancé. Reste à voir si quelque chose du genre peut se retrouver dans les cartons de Capcom un jour…

Marc Desgagnés

Passionné de jeux vidéo, d’entrainement physique, de courses à obstacles, Marc affectionne particulièrement les séries Uncharted, The Last of Us, God of War en plus d’être un fan fini des franchises classiques Resident Evil (RE1-2-3-Veronica) et Ys. Il a également une chronique jeux vidéo régulière sur les ondes de CHOI Radio X 98,1 et BLVD 102,1

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